Strasbourg c’est l'Alsace, c'est la France - et c'est, aujourd'hui, l'Europe. Et c'est des gens d'une proximité étonnante, aux mêmes préoccupations que celles des autres Régions.Christian Kratz est évêque depuis 9 ans, "auxiliaire" en la cathédrale à l'unique flèche. Dans son entretien du dimanche 7 juin 2009 sur l'Eglise et l'Europe avec les délégués AGSE et UIGSE qui ont fait le déplacement dans la capitale de l’Europe : membres du C.A., adjoints de Branche, chefs d'unité campant à l’étranger, "anciens", commissaires généraux allemands, italien, suisse, et l’équipe fédérale, pour célébrer 50 de vie européenne de l’association française, il attaque avec une simplicité déconcertante le vif du sujet.
Quelle Europe voulons nous ? -"nous", c'est à dire l’Eglise...Les pistes proposées sont limpides. Car c’est de vision et de dignité de l’homme qu’il s’agit, dans une Europe en éternelle reconstruction.
PETIT RETOUR en ARRIERE Hier 6 juin, des spécialistes du Conseil de l'Europe nous ont parlé d'Europe des peuples, d'Europe des droits. J'ai envie de parler ici "d'Europe de l'esprit".
L’Europe est un miracle permanent. A peine 10 ans avant le démarrage de la FSE, quelques politiques (étaient ils utopistes?) ont sans attendre voulu une réconciliation, sur les ruines de relations franco-allemandes qu’on imagine aisément lors de l’écroulement du III° Reich... et bien improbable, vues les relations de ces dernières années de guerre et de destruction. En 1945 les plus vieux alsaciens ont changé 3 fois de nationalité…
Or cette fraternité un peu forcée a bien « pris ». Robert Schuman, de Gasperi, Konrad Adenauer ont gagné et l’unité de l’Europe a de nouveau voulu exister, disons qu'au moins des bases ont été mises en place.
FORUM avec Mgr KRATZ
Ce 7 juin 2009 au matin, nous entendons que l’Europe a des valeurs, l’Europe a des racines chrétiennes, comme l'articule notre évêque avec une conviction totalement décomplexée.
Eglise & société
Il rencontre dans le cadre de ses missions très européennes les chrétiens et les évêques d'autres pays à longueur d'année.
Les Baltes, par exemple, ne comprennent pas ce qu’on a fait en Occident de notre foi et de nos valeurs, alors qu’on navigue depuis des lustres dans la prospérité et la liberté; comment peuvent ils nous envier notre statut d'Européen et vouloir nous rejoindre ?
Côté Ouest -par exemple en Espagne- on poursuit le ménage anti-chrétien. Même en Allemagne où le statut religieux est bien accepté, on doit se pencher sur les expériences spirituelles des voisins pour prendre des idées d’apostolat.
Et en France ? A l’occasion du "débarquement" de Barak Obama sur nos plages normandes ce même week-end de juin 2009, un chroniqueur radio rappela judicieusement qu' « aux Etats-Unis l’Etat protége les Eglises – alors qu’en France, l’Etat se protége des Eglises » … Tout un programme pour ceux qui voudraient assurer l’avenir d'une l’Europe... chrétienne.
Quand on lit les propos de Mario Mauro en 2008, vice-président (italien) du Parlement Européen, résumés dans un mémo remis par nos organisateurs
« le plus gros danger que court aujourd’hui le continent européen, c’est sa décadence, résultat d’une crise de notre identité de peuple européen (…) Sans une idée précise de son identité, l’Europe ne pourra faire aucun pas en avant par rapport à sa demi-douzaine de défis majeurs » (
Zenit, 01 fév. 2008). Tiens, à l'heure où j'écris ces lignes, le journal La Tribune voit chez Mario un probable président du Parlement Européen...
Il est incompréhensible à un alsacien, de même qu'à l’immense majorité des européens, qu’une certaine société n’ait pas accepté l'évidente réalité des « racines chrétiennes de l’Europe » dans le projet de Constitution.
Communiquer pour convertirPourtant l'homme d'Eglise "battant" nous raconte son quotidien; en tant qu'évêque, il a écrit personnellement à tous les députés européens pour leur enjoindre de respecter tel ou tel point de la dignité humaine. Très fréquentes sont les réponses d’approbation, voire de soulagement, de nombreux hommes politiques, et pas forcément tous des chrétiens.
L’Europe et nos pays iront mieux quand on aura pris l’habitude de se parler. Perdons la timidité d’évoquer les sujets qui nous touchent. Il est temps de tendre la main par-dessus les frontières, on ne peut passivement laisser se dégrader l’image de l’Europe.
On n’aime que ce qu’on connaît, il faut potasser un peu le sujet et vouloir cette Europe. C’est de Doctrine Sociale de l’Eglise qu’il s’agit. Oui, il manque sans doute çà et là des lieux d’apprentissage de cette doctrine, mais vivez la d’abord dans vos Unités, sa cohérence viendra après l’action. C’est là le génie du scoutisme.
"Vous, Scouts d'Europe" Pour Mgr Kratz, les scouts d’Europe jouent un rôle essentiel dans la jeunesse. Nous apportons notre conviction de chrétiens et d’européens. Nous avons une chance inespérée avec notre dimension européenne : pouvoir chercher les fondamentaux et créer l’UNITE, dans la DIFFERENCE !
Faut-il vivre l'œcuménisme au sein de votre scoutisme ? Soyez d’abord vrais et entiers dans votre identité, dites ce que vous êtes. Ainsi l’autre trouvera sa place.
Si vous avez encore comme scout d'Europe un sentiment de caricature ou d’inefficacité dans la société, il ne faut pas hésiter, il faut inviter, se faire connaître ; bien des soucis se résorberont avec le dialogue. Pourquoi ne pas le faire au niveau européen ? Par capillarité notre action portera ses fruits. Dieu ne force pas, mais… il insiste !
Sur vos turbulences dans l’association française ? Parlez-vous avant de dire qu’un tel a tort. La communion est le bien le plus fragile mais aussi le plus précieux.
Sur un coup de pouce de l’Eglise de France aux scouts d’Europe ? Son éminence « nous fait une confidence » : le scoutisme n’est pas construit sur des prêtres, mais, à la différence de l’action catholique, sur des laïcs chrétiens. Appliquez le principe de subsidiarité et votre succès est assuré.
Pour trouver vos chefs et les fidéliser un peu plus, fondez donc leur engagement sur une expérience spirituelle. Et de grâce, montrez-leur des adultes référents solides...
"Appelez, responsabilisez, formez !"
J'oubliais... on a chanté et salué le chant de la Promesse, avec Mgr Europe. Sympa, Strasbourg.
Vincent
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Repères :
- Mgr Kratz est évêque auxiliaire de Strasbourg depuis 2001
- Il est depuis 2 ans l’évêque délégué des Evêques de France à la COMECE, Commission des Episcopats de la Communauté Européenne, qui siège à Strasbourg et rassemble 24 représentants de 27 pays européens
Le COMECE informe l’Eglise sur les travaux européens, accompagne la construction européenne, dialogue avec les institutions communautaires européennes
- Pour l'œcuménisme, il préside le dialogue religieux avec les baptistes
- Il siège au conseil de l’Alliance Biblique Française
- Il représente la Commission des Evêques de France à la Commission des Evêques d’Allemagne qui siège à Fulda